Tout groupe , tout collectif engagé dans une action importante, a besoin pour exister, perdurer, entreprendre, de figures tutélaires, charismatiques, incarnant de façon claire pour tous, l’identité et les vertus collectives, les repères, la voie à suivre.

René Barrat, président général du Cercle Paul Bert de 1998 à 2010, puis président d’honneur, bénévole émérite pendant 40 ans dans son association de cœur et au-delà durant toute une vie, a été à l’évidence de celles là. Il a été pendant longtemps une référence, une vigie, un gardien du Temple.

Il l’a été physiquement et moralement. Physiquement c’était un gaillard, un rude gaillard même. Il avait du coffre, des épaules, l’œil combatif, noir parfois, le verbe truculent et percutant Ceux qui auraient eu l’envie malheureuse de le prendre de haut ou de lui conter des fadaises auraient eu affaire à forte partie. Difficile à bouger René, un tempérament de feu, un combattant, un guerrier !

Sa présence était forte, sa personnalité était forte, sa voix était forte. Quant à son engagement, il était total, inconditionnel. Toute sa vie a été dédiée à une cause, à une mission. Une mission qui venait de loin, un héritage : l’héritage laïque et républicain.Il croyait en effet dur comme fer à un idéal de progrès social, de justice, d’égalité passant par l’éducation : l’éducation dispensée par l’école mais aussi par son prolongement , les associations. Celles du moins qui ont la même finalité que l’école : permettre à tous et d’abord aux plus modestes, de se développer, d’apprendre à vivre selon les principes d’égalité, de respect, de solidarité, bénéfiques à tous, de devenir des citoyens. Et sans doute plaçait-il au dessus de tout, la laïcité, pour lui synthèse de toutes ces valeurs. La laïcité fondement d’une société apaisée où chacun peut trouver sa place, dans le respect.

Il incarnait aussi physiquement et moralement l’héritage populaire. Il le devait à ses racines auxquelles il est toujours resté indéfectiblement attaché : simplicité, solidarité, loyauté, , cordialité, contact facile, langage franc, direct, La notabilité, le carriérisme, le parler technocratique ce n’était pas sa tasse de thé. Son terrain de jeu à lui c’était les bénévoles, le quartier, ses habitants, leur difficultés, leurs besoins qu’il connaissait bien et les actions à engager pour apporter des réponses. Le contact quotidien avec les habitants du quartier où il vivait en osmose : Villejean, plus que la fréquentation des ‘’allées du pouvoir..’’ Il avait gardé un authentique fond ‘’prolo’’ au sens noble du terme, un fond devenu de plus en plus rare et d’autant plus précieux !

Dans une période de doute, de confusion, de nombrilisme , cela fait du bien d’entendre une voix forte, rude parfois, rappeler où est le Nord !

Le bénévolat était sa religion. Le bénévolat c’est à dire être au service des autres, payer de sa personne pour aider les jeunes mais aussi les moins jeunes à se construire, à vivre mieux. Il l’ a fait de mille et une façons avant d’accéder à des responsabilité importantes. Il a été un remarquable formateur dans un sport qu’il avait pratiqué à un bon niveau : le basket, un président de groupe sportif, un membre actif de plusieurs sections (Centre, Gayeulles) avant de devenir un président de section omniprésent, incontournable, en même temps qu’un des piliers de la vie de ‘’son’’ quartier : Villejean.

Élu président général d’une maison devenue imposante en 1998 , le bénévole de base a enfilé sans difficultés des habits de taille XXL. Il a su faire face à des mutations complexes liées à l’explosion du loisir, des activités, des demandes : développement de la professionnalisation, problèmes d’organisation , de management, de gestion d’un ensemble devenu une grosse PME ..

Pendant 12 ans il a tenu la barre avec une autorité naturelle évidente mais aussi une vraie vision stratégique. Le CPB était dirigé, il y avait un pilote dans le ‘’tanker’’. Ce n’est pas une mince performance.

Un parcours en tous points exemplaire. René a joué un rôle primordial dans une période de croissance exceptionnelle et de profonds changements qui a vu le CPB devenir un acteur social central dans une ville elle même en plein développement. . En 2010 il a su transmettre le flambeau, dans les meilleures conditions à Isabelle Daniel qui a poursuivi cette entreprise avec ténacité et talent.

Mais René, c’est aussi pour nous un nombre incalculable de bons moments, ces moments de convivialité, d’amitié qu’il appréciait tellement. René notre ami, un compagnon chaleureux, valeureux, de ceux dont on dit après un match à haute intensité: « Il a tout donné !’’ Comme l’a joliment dit Isabelle dont il était très proche, lors de ses obsèques : quand il croisera ceux qui ont mené avant lui le long et difficile combat pour l’émancipation par l’éducation, il pourra leur dire : «les copains, j’ai fait le job ! » Et nous, René, nous te disons merci, grand merci. Le Cercle Paul Bert te doit beaucoup, nous te devons beaucoup !

Peut-être est-ce le grand Georges, cette autre forte tête avec laquelle tu n’es pas sans avoir quelques points communs, qui a le mieux dit, dans ‘’Les copains d’abord’’, un très beau texte à la philosophie proche de la tienne , ce que nous ressentons aujourd’hui :

« Au rendez vous des bons copains
Y’avait pas souvent de lapins
Quand l’un d’entre eux manquait à bord
C’est qu’il était mort
Mais jamais au grand jamais
Son trou dans l’eau ne s’refermait »

B. Le Scouarnec